Le "Final 8" est-il à rééditer en Ligue des champions ?


Après quelques huitièmes de finale disputés à huis-clos en mars dernier, la montée en puissance du Covid-19 a poussé les institutions à suspendre toutes les compétitions de football en Europe occidentale, y compris les coupes européennes. Cinq mois plus tard, le « Final 8 » de la Ligue des champions, appréhendé par beaucoup mais globalement accepté au vu de la complexité de la situation, semble toutefois avoir donné du fruit et offert des sensations dignes de l’évènement aux amateurs de football.

Les doutes étaient légitimes à l’approche du tournoi final organisé par L’UEFA à Lisbonne l’été dernier. Une fois les huitièmes de finale retours terminés dans les stades prévus initialement, les huit qualifiés avaient en effet rendez-vous au Portugal pour disputer la fin de la compétition à huis-clos en abandonnant le système aller-retour : quarts de finale, demies et finale en matches secs sur terrain neutre entre le 12 et le 23 août. D’un côté, il suffisait peut-être de peu pour satisfaire à la soif populaire d’un tel évènement qui se faisait ressentir depuis l’arrêt brutal des matches à la mi-mars ; mais de l’autre le risque de décevoir quant à la proposition d’un format si différent de ce dont beaucoup rêvaient n’était sûrement pas moindre, mais les multiples circonstances liées à la crise sanitaire devaient rentrer en compte. Après un PSG-Atalanta renversant (2-1), la démonstration inattendue des Lyonnais contre le Manchester City de Pep Guardiola (3-1) ou encore l’humiliation monumentale infligée au Barça par les cyborgs bavarois (8-2), le « Final 8 » semble finalement avoir redonné de belles couleurs au football.

Et si ? Et s’il s’agissait là du système à privilégier pour assurer le renouveau de la Ligue des champions ? L’idée de modifier le format actuel de l’évènement n’a semble-t-il jamais – avant le coronavirus – été très sérieusement évoquée auprès du grand public mais c’est pourtant l’une des grandes questions qui émergent du succès de ce tournoi final. Le président de l’UEFA Aleksander Čeferin n’exclut d’ailleurs pas l’idée au moment de tirer une première conclusion du tournoi lors d’une interview accordée à l'agence de presse Reuters le 23 août : « Nous avons été forcés de le faire, mais en fin de compte, on réalise qu’on a quelque chose de bien. Nous allons y réfléchir pour le futur ». Voilà donc l’occasion d’amorcer ma réflexion : quels seraient les atouts et les points noirs d’une reformulation de la Ligue des champions avec des matches secs ?

Un charmant air de déjà-vu

Ce format aux matches simples sur terrain neutre a en effet des airs d’Euro ou de Coupe du monde, compétitions qui n’ont pas l’air de déplaire sur ce point-là. Comme ces dernières en témoignent, une Ligue des champions sous cette forme nous offrirait toujours beaucoup de spectacle. Ces scénarios dont nous raffolons tant seraient peut-être toujours au rendez-vous dans un format plus condensé, en revanche ils auraient sans doute plus de similitudes avec un Belgique-Japon (Coupe du monde 2018 ; 3-2) qu’avec un Barça-PSG (C1 2017 ; 6-5 sur l’ensemble des deux matches).

L’un des grands atouts de l’organisation de matches secs dans la compétition serait aussi et surtout celui de laisser place à de belles épopées de clubs émergents. En effet les fabuleux épisodes de l’OL, Leipzig, et du PSG l’été dernier ont grandement participé à la réussite du tournoi final et n’auraient sûrement pas tous eu lieu dans un système à doubles confrontations. On a connu certes beaucoup d’équipes différentes qui ont soulevé la coupe aux grandes oreilles au XXIe siècle, mais on a aussi connu beaucoup de répétitions dans le tableau final ces dernières années : notons par exemple le Real Madrid, le Bayern, le Barça et l’Atletico qui, entre 2013 et 2018, ont obtenu à eux quatre seize billets pour les demi-finales et huit pour la finale ; le statut de favoris souvent attribué aux Parisiens et Citizens mais quasiment jamais assumé ; ou encore le règne historique du Real Madrid entre 2016 et 2018 (vainqueur trois fois d’affilée).

Il semble donc utile de reconnaître la lassitude qu’on pu ressentir certains passionnés, n’en déplaise à Zidane. Ceux-ci s’y plairaient peut-être plus dans un système à confrontations simples qui, suivant le principe du « pas le droit à l’erreur », proposerait sans doute des matches à la dualité plus prononcée, et un jeu de meilleure qualité entre des équipes pour qui le moindre couac pourrait être fatal quant à leur avenir dans la compétition.  Les Bergamotes confirmeront : ils n’auraient sûrement pas subi la même révolte des hommes de Thomas Tuchel en fin de match si ces derniers avaient été animés par une occasion de se racheter lors d’une deuxième manche, et ils seraient ainsi repartis avec un avantage pour le match retour.

Fidèle à l'esprit de la C1 ? 


Die Meister

Die Besten

Les grandes équipes

The champions

Rien ne parle mieux que l’air et le refrain de l’hymne pour faire prendre conscience de l’air d’excellence et de suprématie que nous inspire la compétition (pour justifier cette interprétation, il est toujours passionnant d’ajouter que Tony Britten, Compositeur de l’Hymne de la Ligue des champions de l’UEFA (1992), s’est inspiré de Zadok the priest, un hymne de couronnement qui a retenti lors du sacre du roi George II de Grande-Bretagne en 1727). La Ligue des champions est faite pour les meilleurs, et seulement pour les meilleurs. On la regarde pour voir les plus grands clubs et les plus grands joueurs, ceux à qui la coupe doit son prestige (et que Thierry Gilardi présentait fabuleusement bien lors des avant-matches à l’époque TF1). Et son caractère grandiose ne date pas d’hier, il suffit de se pencher sur le nom de son ancien format, « Coupe des clubs champions » : elle était, dès sa création en 1955, destinée à réunir les plus grands.

Certes, un tournoi final en matches secs ne modifierait pas la cible des phases de qualification et phases de groupes : cela ne concernera toujours que les meilleurs de chaque championnat européen. En revanche cette odeur de grandeur, n’importe quel amateur vous le confirmera, ne s’arrête pas là mais s’étend voire s’accentue jusqu’au dernier match de l’édition. Et il ne serait pas stupide de supposer que le format aller-retour des matches de la phase finale y est pour beaucoup dans la conservation du « sublime » que dégage la plupart du temps le parfum des affiches du tableau final. Car avant de dérober sa beauté intérieure, la Ligue des champions séduit d’abord par l’apparence. 

Voilà où je veux en venir : selon moi les matches simples, laissant plus de chances de qualification aux « plus petites » équipes (cf. première partie de l’article), compromettraient ce parfum spécial des affiches évoqué précédemment qui séduit depuis des années tous les passionnés de football. Mes propos peuvent assurément paraître durs et secs, mais la réalité est qu’un spectateur préfèrera voir une rencontre de gala entre deux grandes formations qui peuvent viser le sacre de manière légitime ; plutôt que découvrir une partition partagée avec un Petit Poucet miraculé au tour d’avant qui sait d’avance qu’il n’ira pas très loin dans le tournoi. Or cette dernière situation pourrait davantage se présenter sous un système tel que celui des matches simples qui favoriserait donc les victoires « surprises » et l’élimination de favoris frappés par le coup du destin.

Voici donc pourquoi l’instauration d’un système à matches simples, malgré les atouts qu’il représente autour du jeu et de la dualité des équipes lors d’une confrontation, peut porter défaut à la nature de la Ligue des champions, qui importe beaucoup dans le succès et le prestige de cette dernière. Elle est une grande réunion pour les grandes équipes : the champions.

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