Le "Final 8" est-il à rééditer en Ligue des champions ?
Les doutes étaient légitimes à l’approche du tournoi final organisé par L’UEFA à Lisbonne l’été dernier. Une fois les huitièmes de finale retours terminés dans les stades prévus initialement, les huit qualifiés avaient en effet rendez-vous au Portugal pour disputer la fin de la compétition à huis-clos en abandonnant le système aller-retour : quarts de finale, demies et finale en matches secs sur terrain neutre entre le 12 et le 23 août. D’un côté, il suffisait peut-être de peu pour satisfaire à la soif populaire d’un tel évènement qui se faisait ressentir depuis l’arrêt brutal des matches à la mi-mars ; mais de l’autre le risque de décevoir quant à la proposition d’un format si différent de ce dont beaucoup rêvaient n’était sûrement pas moindre, mais les multiples circonstances liées à la crise sanitaire devaient rentrer en compte. Après un PSG-Atalanta renversant (2-1), la démonstration inattendue des Lyonnais contre le Manchester City de Pep Guardiola (3-1) ou encore l’humiliation monumentale infligée au Barça par les cyborgs bavarois (8-2), le « Final 8 » semble finalement avoir redonné de belles couleurs au football.
Et si ? Et s’il s’agissait là du
système à privilégier pour assurer le renouveau de la Ligue des champions ?
L’idée de modifier le format actuel de l’évènement n’a semble-t-il jamais –
avant le coronavirus – été très sérieusement évoquée auprès du grand public
mais c’est pourtant l’une des grandes questions qui émergent du succès de ce
tournoi final. Le président de l’UEFA Aleksander Čeferin n’exclut d’ailleurs pas
l’idée au moment de tirer une première conclusion du tournoi lors d’une
interview accordée à l'agence de presse Reuters le 23 août : «
Nous avons été forcés de le faire, mais en fin de compte, on réalise qu’on a quelque
chose de bien. Nous allons y réfléchir pour le futur ». Voilà donc l’occasion
d’amorcer ma réflexion : quels seraient les atouts et les points noirs
d’une reformulation de la Ligue des champions avec des matches secs ?
Un charmant air de déjà-vu
Ce
format aux matches simples sur terrain neutre a en effet des airs d’Euro ou de
Coupe du monde, compétitions qui n’ont pas l’air de déplaire sur ce point-là.
Comme ces dernières en témoignent, une Ligue des champions sous cette forme
nous offrirait toujours beaucoup de spectacle. Ces scénarios dont nous
raffolons tant seraient peut-être toujours au rendez-vous dans un format plus
condensé, en revanche ils auraient sans doute plus de similitudes avec un
Belgique-Japon (Coupe du monde 2018 ; 3-2) qu’avec un Barça-PSG (C1 2017 ;
6-5 sur l’ensemble des deux matches).
L’un des grands atouts de l’organisation de
matches secs dans la compétition serait aussi et surtout celui de laisser place
à de belles épopées de clubs émergents. En effet les fabuleux épisodes de l’OL,
Leipzig, et du PSG l’été dernier ont grandement participé à la réussite du
tournoi final et n’auraient sûrement pas tous eu lieu dans un système à doubles
confrontations. On a connu certes beaucoup d’équipes différentes qui ont
soulevé la coupe aux grandes oreilles au XXIe siècle, mais on a
aussi connu beaucoup de répétitions dans le tableau final ces dernières
années : notons par exemple le Real Madrid, le Bayern, le Barça et
l’Atletico qui, entre 2013 et 2018, ont obtenu à eux quatre seize billets pour
les demi-finales et huit pour la finale ; le statut de favoris souvent attribué
aux Parisiens et Citizens mais quasiment jamais assumé ; ou encore le
règne historique du Real Madrid entre 2016 et 2018 (vainqueur trois fois
d’affilée).
Il semble donc utile de reconnaître la lassitude qu’on pu ressentir certains passionnés, n’en déplaise à Zidane. Ceux-ci s’y plairaient peut-être plus dans un système à confrontations simples qui, suivant le principe du « pas le droit à l’erreur », proposerait sans doute des matches à la dualité plus prononcée, et un jeu de meilleure qualité entre des équipes pour qui le moindre couac pourrait être fatal quant à leur avenir dans la compétition. Les Bergamotes confirmeront : ils n’auraient sûrement pas subi la même révolte des hommes de Thomas Tuchel en fin de match si ces derniers avaient été animés par une occasion de se racheter lors d’une deuxième manche, et ils seraient ainsi repartis avec un avantage pour le match retour.
Fidèle à l'esprit de la C1 ?
Die
Meister
Die
Besten
Les
grandes équipes
The
champions
Rien ne parle mieux que l’air et le refrain de l’hymne pour
faire prendre conscience de l’air d’excellence et de suprématie que nous
inspire la compétition (pour justifier cette interprétation, il est toujours passionnant
d’ajouter que Tony Britten, Compositeur
de l’Hymne de la Ligue des champions de l’UEFA (1992), s’est inspiré de Zadok
the priest, un hymne de couronnement qui a retenti lors du sacre du
roi George II
de Grande-Bretagne en 1727). La Ligue des champions est faite pour les
meilleurs, et seulement pour les meilleurs. On la regarde pour voir les plus
grands clubs et les plus grands joueurs, ceux à qui la coupe doit son prestige
(et que Thierry Gilardi présentait fabuleusement bien lors des avant-matches à
l’époque TF1). Et son caractère grandiose ne date pas d’hier, il suffit
de se pencher sur le nom de son ancien format, « Coupe des clubs
champions » : elle était, dès sa création en 1955, destinée à réunir
les plus grands.
Certes, un tournoi final en matches secs ne modifierait pas la cible des phases de qualification et phases de groupes : cela ne concernera toujours que les meilleurs de chaque championnat européen. En revanche cette odeur de grandeur, n’importe quel amateur vous le confirmera, ne s’arrête pas là mais s’étend voire s’accentue jusqu’au dernier match de l’édition. Et il ne serait pas stupide de supposer que le format aller-retour des matches de la phase finale y est pour beaucoup dans la conservation du « sublime » que dégage la plupart du temps le parfum des affiches du tableau final. Car avant de dérober sa beauté intérieure, la Ligue des champions séduit d’abord par l’apparence.
Voilà où je veux en venir : selon moi les matches simples, laissant plus de chances de qualification aux « plus petites » équipes (cf. première partie de l’article), compromettraient ce parfum spécial des affiches évoqué précédemment qui séduit depuis des années tous les passionnés de football. Mes propos peuvent assurément paraître durs et secs, mais la réalité est qu’un spectateur préfèrera voir une rencontre de gala entre deux grandes formations qui peuvent viser le sacre de manière légitime ; plutôt que découvrir une partition partagée avec un Petit Poucet miraculé au tour d’avant qui sait d’avance qu’il n’ira pas très loin dans le tournoi. Or cette dernière situation pourrait davantage se présenter sous un système tel que celui des matches simples qui favoriserait donc les victoires « surprises » et l’élimination de favoris frappés par le coup du destin.
Voici donc pourquoi l’instauration d’un système à matches
simples, malgré les atouts qu’il représente autour du jeu et de la dualité des
équipes lors d’une confrontation, peut porter défaut à la nature de la Ligue
des champions, qui importe beaucoup dans le succès et le prestige de cette
dernière. Elle est une grande réunion pour les grandes équipes :
the champions.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Exprimez votre opinion !