Le VAR, censeur du jeu



Utilisée depuis le début des années 2000 dans d’autres sports (rugby à XIII et à XV, basketball ou encore football américain), « l’assistance vidéo à l’arbitrage », de son vrai nom, ne fait son apparition dans le football qu’en 2017. Et le premier constat est l’accueil qu’elle reçoit. Pour beaucoup de fans, le VAR vient mettre fin à une hémorragie d’épisodes douloureux. 

En voyant arriver une telle technologie dans le processus des décisions arbitrales, on ne peut que s’imaginer les drames qu’elle aurait pu éviter. Des évènements comme l’attentat de Schumacher sur Battiston (France-RFA 1982), le scandale de Chelsea-Barcelone en 2009 ou bien la main de Thierry Henry contre l’Irlande la même année suffisent pour illustrer ce que le passionné ne veut plus jamais revivre. Mais si l’on voit d’abord dans le VAR les prémices de l’arbitrage absolu, on se rend vite compte des limites qu’il peut poser. Non seulement avec le brouillage de nos émotions à coups d’ascenseurs émotionnels qui peuvent s’avérer plus que pénibles, mais aussi et surtout avec un impact majeur sur le développement naturel du jeu et son aspect instantané.

 

Si l’arbitrage est désormais aidé par une machine, la décision finale reste tout de même le fruit d’un raisonnement humain. Sur des cas de penalty ou carton rouge, l’arbitre a en effet un jugement subjectif (que je définis comme un jugement pouvant susciter un désaccord) capital à apporter après avoir visionné les images[1], subjectivité qu’une machine informatique peut donc difficilement avoir : elle ne fait que montrer l’action sans rien décider. En revanche, sur des cas comme celui d’un hors-jeu à vérifier, l’ordinateur a plus que jamais son mot à dire : il détient la preuve ultime d’un positionnement trop en avant (ou non) de l’attaquant sur le dernier défenseur. Même à quelques millimètres près, il est capable de détecter le moindre hors-jeu. En soit, il ne devrait donc rien y avoir de plus facile pour l’arbitre ! Puisqu’il aurait simplement à faire confiance à la vidéo et les lignes tracées pour distinguer la position de l’attaquant.

Mais la question à poser est la suivante : le football, pratiqué par des humains, doit-il autant dépendre de la méticulosité sans égal de l’informatique ? Depuis l’instauration du VAR, les annulations de buts pour une main qui dépasse ou un pied trop grand d’une pointure se multiplient et font constamment parler. Le footballeur a beau avoir un instinct surnaturel et faire l’appel de balle parfait au centième de seconde près, le VAR le rattrapera toujours au millième. A ce jeu-là, la machine sera à tout jamais plus forte que l’homme, et voilà une domination qui peut s’avérer étouffante pour le jeu.

Le football est un sport d’expression : chaque équipe exprime sa manière, sa philosophie, son art d’organiser son collectif vers un même objectif. Plus le niveau est élevé, plus le jeu se développe dans l’instantanéité. Néanmoins le football a des règles : elles doivent être respectées par les joueurs, eux-mêmes contrôlés par des arbitres. Ainsi, si un joueur commet une faute et que l’arbitre la voit et la considère comme telle, il se voit sanctionné pour ne pas avoir respecté les règles. Mais depuis 2018, un joueur peut être sanctionné pour une faute que personne n’a vue en direct, ni-même un seul des arbitres, mais qu’une machine a détecté. Elle est la seule à l’avoir vue, mais la seule à avoir la preuve et à en être sûre. Ainsi gagne-t-elle son combat contre la nature humaine. Ainsi censure-t-elle les œuvres par lesquelles s’expriment les équipes. L’arbitre s’aide de l’exactitude et l’efficacité du VAR pour reprocher à l’attaquant un microretard imperceptible par l’œil humain à vitesse réelle, pour reprocher aux joueurs de n’avoir que frôlé la perfection, celle que leur nature humaine, en fin de compte, les empêche d’atteindre.



[1]Les contestations concernant le VAR qui ont eu lieu depuis trois ans ne sont d’ailleurs pas majoritairement liées à un penalty ou un carton rouge.

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