Le but en or doit-il faire son retour ?
Pour
nous, Français, il n’est pas facile de rester objectif quand on sait les
souvenirs que cette règle nous a laissés : il y eu d’abord Laurent Blanc
face au Paraguay en 1998 (1/8e de finale de la Coupe du monde ;
score final : 1-0), le penalty de Zidane contre le Portugal en demi-finale
de l’Euro 2000 (2-1) avant l’inoubliable demi-volée de Trezeguet en finale face
à la Squadra Azzura (2-1). Cette nostalgie tricolore fait regretter à
certains l’abandon du but en or en 2004, mais le débat autour d’un retour de ce
dernier est loin d’être un grand sujet du moment sur la planète football, si ce
n’est qu’il est inexistant. Voilà pourquoi je m’accorde la liberté de
m’interroger sur les apports positifs ou négatifs que pourrait avoir le système
de la mort subite en prolongations dans le football actuel.
Pour débuter, et c’est la remarque que l’on
entend le plus souvent, le but en or ferait peut-être hésiter les deux équipes
à prendre des risques durant les 30 minutes supplémentaires étant donné qu’une
simple contre-attaque adverse pourrait déboucher sur les trois coups de sifflet
de l’arbitre. S’il est inutile de rappeler la tension qui s’accumule dès le
début de la demi-heure de rabiot, imaginons-nous toutefois l’atmosphère
électrique dans laquelle joueraient des joueurs qui se disent que le match peut
se terminer d’une seconde à l’autre.
Les prolongations ont un parfum particulier. Ce
ne sont pas souvent les minutes les plus techniques d’un match, ni celles qui
présentent le jeu le plus flamboyant, à moins que les cordes aient lâché d’un
côté du terrain (comme en témoigne le récent Grenade-Barça en Coupe du Roi, où
l’on assisté à presque trente minutes de siège catalan en terrain adverse). Le
début d’une séance de prolongations met fin à quatre-vingt-dix minutes durant
lesquelles les deux équipes n’ont pas réussi à se départager. Ces deux mi-temps
pendant lesquelles on attend d’une équipe de trouver son jeu, son tempo et de
mettre en place son schéma, n’ont pas désigné de vainqueur et doivent laisser
place à un tout autre match. A égalité sur le match « tactique », les
vingt-deux acteurs s’affrontent désormais lors d’un deuxième match bien plus
physique et psychologique. La tactique n’est bien-sûr pas oubliée car elle est
le cœur-même d’un match mais le premier rôle appartient désormais aux muscles
et à l’état mental des joueurs. Car, à moins qu’ils se soient tous regardés
dans le blanc des yeux pendant une heure et demie, la loi de la nature dit que
la fatigue a tendance à se faire ressentir après un tel effort (cela dit la
science n’en est pas encore certaine au sujet de N'Golo Kanté).
Comment
agirait donc la règle du but en or sur l’essence de la prolongation à l’instant
expliquée ? Les scénarios peuvent être de n’importe quelle forme, mais si
l’on reste dans la lignée de notre premier argument, une prise de risques
considérablement diminuée dans les deux camps nous priverait peut-être d’une
dualité physique plus prononcée. Le combat serait en effet moins brutal, si les
blocs sont resserrés par peur de se faire transpercer par les attaquants après
un pressing inutile. Malheureusement ces arguments ne sont pas suffisamment
convaincants. Notamment car même s’ils peuvent correspondre à une partie des
cas, comme dit précédemment, tous les scénarios sont à envisager : but en
or ou pas, les prolongations ne présentent pas toujours deux défenses à onze
et, si but en or il y a, il ne garantit pas forcément une perte de fluidité
dans le jeu.
Si la fatigue des titulaires au bout du temps
règlementaire est dogmatique, l’intention des équipes quant à entammer l’extra
time peut varier d’un extrême à l’autre. En effet, si l’épreuve est
infernale, pourquoi le but en or ne motiverait pas les joueurs à lâcher les
chevaux et boucler la partie au plus vite ? Sur un sondage réalisé il y a
quatre mois sur ma chaîne YouTube Auco, 66% des deux mille votants
étaient favorables à un retour de la mort subite. Les concernés semblaient
emballés par un potentiel spectacle supplémentaire qu’ajouterait la tension du
but en or. Corrélativement, si l’enjeu considérable que pose ce dernier peut
faire resserrer des blocs défensifs, il peut aussi proposer une dualité au
scénario similaire à celui des quatre-vingt-dix premières minutes : une
confrontation tactique tout aussi aboutie et une présence offensive tout aussi
dense.
Mais alors, le but en or offrirait-il plus de
spectacle ou moins de spectacle ? Selon moi, les deux. On ne peut pas
savoir quelle tournure prendrait dans la plupart des cas un scénario avec la
règle du but en or. L’instauration de celui-ci pourrait d’un côté
« corriger » les prolongations ennuyeuses que l’on vit régulièrement,
tout comme elle pourrait « gâcher » d’un autre côté des scénarios
délirants. Une alternative au but en or a d’ailleurs existé pendant quelques
mois : entre 2002 et 2004 avait été mise en place la règle du but en
argent dans certaines compétitions, notamment l’Euro. L’objectif était de
disputer en intégralité la première mi-temps des prolongations quel que soit le
nombre de buts marqués, mais de ne donner lieu à une seconde mi-temps qu’en cas
de score nul.
Une
chose est sûre parmi toutes ces hypothèses : c’est que le spectateur ne
serait pas privé des surprises qu’il aime vivre. Il pourrait retrouver autant
de rebondissements dans un match avec but en or où le perdant a pourtant touché
trois fois les montants, que dans une prolongation sans mort subite qui lui a
offert une pluie de buts. Et s’il rejette la règle par crainte de souffrir un
but en or adverse, il n’est pas garanti qu’il souffre moins en voyant son
équipe s’incliner aux tirs aux buts. L’imprévisible est l’essence du lien entre
le football et le supporter, la multitude des scénarios est ce qui permet
d’entretenir l’espoir du passionné. S’il vibre sur un but, c’est tout
simplement parce qu’il le vit en direct et qu’il avait imaginé des milliers
d’autres déroulements dans sa tête. Le football n’est pas algorithmique, c’est
pour cela qu’il est impossible de mesurer combien une réforme telle que le but
en or pourrait influencer nos émotions : on a beau étudier et lister tous
les fils rouges possibles, on en oubliera toujours un.
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