Le but en or doit-il faire son retour ?


La règle de la mort subite n’aura duré que quelques années dans le football. Instaurée pour la première fois dans un tournoi majeur à l’Euro 96, le but en or disparait en 2004. Dix-sept ans après, il pourrait avoir une place différente au cœur des philosophies de jeu modernes.

Pour nous, Français, il n’est pas facile de rester objectif quand on sait les souvenirs que cette règle nous a laissés : il y eu d’abord Laurent Blanc face au Paraguay en 1998 (1/8e de finale de la Coupe du monde ; score final : 1-0), le penalty de Zidane contre le Portugal en demi-finale de l’Euro 2000 (2-1) avant l’inoubliable demi-volée de Trezeguet en finale face à la Squadra Azzura (2-1). Cette nostalgie tricolore fait regretter à certains l’abandon du but en or en 2004, mais le débat autour d’un retour de ce dernier est loin d’être un grand sujet du moment sur la planète football, si ce n’est qu’il est inexistant. Voilà pourquoi je m’accorde la liberté de m’interroger sur les apports positifs ou négatifs que pourrait avoir le système de la mort subite en prolongations dans le football actuel.

Pour débuter, et c’est la remarque que l’on entend le plus souvent, le but en or ferait peut-être hésiter les deux équipes à prendre des risques durant les 30 minutes supplémentaires étant donné qu’une simple contre-attaque adverse pourrait déboucher sur les trois coups de sifflet de l’arbitre. S’il est inutile de rappeler la tension qui s’accumule dès le début de la demi-heure de rabiot, imaginons-nous toutefois l’atmosphère électrique dans laquelle joueraient des joueurs qui se disent que le match peut se terminer d’une seconde à l’autre.

Les prolongations ont un parfum particulier. Ce ne sont pas souvent les minutes les plus techniques d’un match, ni celles qui présentent le jeu le plus flamboyant, à moins que les cordes aient lâché d’un côté du terrain (comme en témoigne le récent Grenade-Barça en Coupe du Roi, où l’on assisté à presque trente minutes de siège catalan en terrain adverse). Le début d’une séance de prolongations met fin à quatre-vingt-dix minutes durant lesquelles les deux équipes n’ont pas réussi à se départager. Ces deux mi-temps pendant lesquelles on attend d’une équipe de trouver son jeu, son tempo et de mettre en place son schéma, n’ont pas désigné de vainqueur et doivent laisser place à un tout autre match. A égalité sur le match « tactique », les vingt-deux acteurs s’affrontent désormais lors d’un deuxième match bien plus physique et psychologique. La tactique n’est bien-sûr pas oubliée car elle est le cœur-même d’un match mais le premier rôle appartient désormais aux muscles et à l’état mental des joueurs. Car, à moins qu’ils se soient tous regardés dans le blanc des yeux pendant une heure et demie, la loi de la nature dit que la fatigue a tendance à se faire ressentir après un tel effort (cela dit la science n’en est pas encore certaine au sujet de N'Golo Kanté).

Comment agirait donc la règle du but en or sur l’essence de la prolongation à l’instant expliquée ? Les scénarios peuvent être de n’importe quelle forme, mais si l’on reste dans la lignée de notre premier argument, une prise de risques considérablement diminuée dans les deux camps nous priverait peut-être d’une dualité physique plus prononcée. Le combat serait en effet moins brutal, si les blocs sont resserrés par peur de se faire transpercer par les attaquants après un pressing inutile. Malheureusement ces arguments ne sont pas suffisamment convaincants. Notamment car même s’ils peuvent correspondre à une partie des cas, comme dit précédemment, tous les scénarios sont à envisager : but en or ou pas, les prolongations ne présentent pas toujours deux défenses à onze et, si but en or il y a, il ne garantit pas forcément une perte de fluidité dans le jeu.

Si la fatigue des titulaires au bout du temps règlementaire est dogmatique, l’intention des équipes quant à entammer l’extra time peut varier d’un extrême à l’autre. En effet, si l’épreuve est infernale, pourquoi le but en or ne motiverait pas les joueurs à lâcher les chevaux et boucler la partie au plus vite ? Sur un sondage réalisé il y a quatre mois sur ma chaîne YouTube Auco, 66% des deux mille votants étaient favorables à un retour de la mort subite. Les concernés semblaient emballés par un potentiel spectacle supplémentaire qu’ajouterait la tension du but en or. Corrélativement, si l’enjeu considérable que pose ce dernier peut faire resserrer des blocs défensifs, il peut aussi proposer une dualité au scénario similaire à celui des quatre-vingt-dix premières minutes : une confrontation tactique tout aussi aboutie et une présence offensive tout aussi dense.

Mais alors, le but en or offrirait-il plus de spectacle ou moins de spectacle ? Selon moi, les deux. On ne peut pas savoir quelle tournure prendrait dans la plupart des cas un scénario avec la règle du but en or. L’instauration de celui-ci pourrait d’un côté « corriger » les prolongations ennuyeuses que l’on vit régulièrement, tout comme elle pourrait « gâcher » d’un autre côté des scénarios délirants. Une alternative au but en or a d’ailleurs existé pendant quelques mois : entre 2002 et 2004 avait été mise en place la règle du but en argent dans certaines compétitions, notamment l’Euro. L’objectif était de disputer en intégralité la première mi-temps des prolongations quel que soit le nombre de buts marqués, mais de ne donner lieu à une seconde mi-temps qu’en cas de score nul.

Une chose est sûre parmi toutes ces hypothèses : c’est que le spectateur ne serait pas privé des surprises qu’il aime vivre. Il pourrait retrouver autant de rebondissements dans un match avec but en or où le perdant a pourtant touché trois fois les montants, que dans une prolongation sans mort subite qui lui a offert une pluie de buts. Et s’il rejette la règle par crainte de souffrir un but en or adverse, il n’est pas garanti qu’il souffre moins en voyant son équipe s’incliner aux tirs aux buts. L’imprévisible est l’essence du lien entre le football et le supporter, la multitude des scénarios est ce qui permet d’entretenir l’espoir du passionné. S’il vibre sur un but, c’est tout simplement parce qu’il le vit en direct et qu’il avait imaginé des milliers d’autres déroulements dans sa tête. Le football n’est pas algorithmique, c’est pour cela qu’il est impossible de mesurer combien une réforme telle que le but en or pourrait influencer nos émotions : on a beau étudier et lister tous les fils rouges possibles, on en oubliera toujours un.

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